La première fois que j'ai acheté du vin en "cartons", c'est à dire avec l'idée de le garder dans ma petite cave et de le voir évoluer, de le ranger, de le déplacer, d'en ouvrir une bouteille de temps en temps, ce fut des vins de Sylvain Fadat du Domaine d'Aupilhac à Montpeyroux, des Cocalières rouges et blancs.
Les Cocalières Blanc
Quelques années auparavant Alain nous avait initiés au vin. C'est par l'intermédiaire de Danièle Gérault qu'il avait lui même découvert les vins de Sylvain Fadat (fadat : touché par les fées en langue d'Oc), et c'est vrai qu'il y a quinze ans, le travail des sols que pratiquait Sylvain avec animal et charrue le faisait passer auprès de ses collègues pour ... disons charitablement, un hurluberlu.
Alain avait tout de suite adoré les vins de Sylvain. Il tenait des propos dithyrambiques à son sujet (chose rare, seul Sylvain Fadat et André Ostertag avaient eu droit à cet engouement sans borne).
Il nous disait que cet homme était entrain de révolutioner le Languedoc et qu'il entrainerait à sa suite de nombreux jeunes vignerons qui remettront à sa juste place cette région vinicole qui allait se montrer haut et fort dans les années à venir.
Mais Alain n'a jamais pu rencontrer Sylvain.
C'est souvent que nous parlons de Daniele à Ariane, les femmes dans le monde du vin parisien ne sont pas nombreuses. Aujourd'hui, grosse dégustation à la cave du Fumoir chez Rico. Beaucoup de bonnes choses présentés par des garçons. Ariane écoute patiemment, elle parait presque intimidée (est-ce possible ?). La table se vide, et là, arrivent par surprise Danièle Gérault et ... Sylvain Fadat. Présentation rapide, ça matche tout de suite entre les deux filles, elles se reconnaissent comme étant de de la même trempe. On goute les vins de Sylvain. Lou Maset, l'Aupilhac Rouge, les Cocalières, le terroir qui faisait rêver Sylvain et qu'il a fini par pouvoir sublimer, La Boda, et une cuvée rare, le Clos. Tout est très bon, très équilibré, vinifié avec une extrême précision, et l'on sent que le plus grand soin est apporté à toutes les étapes de la vignes à la bouteille. On a tout aimé, mais nous avons eu une tendresse particulière pour l'Aupilhac rouge, le pur carignan du Domaine.
Danièle et Sylvain
A ses débuts, Sylvain nous raconte que le vin plaisait aux dégustateurs, mais dès qu'ils apprenaient que le cépage était le carignan, leur avis positif baissait brutalement. On ne peut pas lutter contre les préjugés ? Et bien si, avec des convictions, car Sylvain, lui croyait dans ses carignans plantés sud qui alliaient équilibre du degré et maturité phénolique. Ce carignan est énergique, soyeux, profond et élégant. La grande classe !
Ce qui fit dire à Danièle que si ce cépage a pu avoir mauvaise presse c'était que "les carignans n'ont pas toujours eu les vignerons qu'ils méritaient".
Sylvain Fadat est conscient de ce qu'il a apporté à sa région, mais est en constante recherche pour améliorer la compréhension de ses terres, des phénomènes climatiques, météorologiques, en fait, de tous les éléments qui lui permettraient d'améliorer encore ses vins. Extraordinaire modestie dans ses explications et la présentation de ses cuvées.
Cela fait un moment que l'on essayait d'expliquer -assez vainement- à Ariane pourquoi nous avions une préférence pour les vins "natures". Sylvain Fadat a réussi.
Alain n'avait jamais rencontré Sylvain Fadat. Nous si.
Alain avait bougrement raison, il y a quinze ans on buvait déjà les vins d'un grand Monsieur.